Voici le type de réactions que je reçois à chaque fois que mes invités découvrent dans ma bibliothèque privée le livre du philosophe allemand Artur Schopenhauer Eristische Dialektik Dialectique éristique (connu sous le titre français: L’art d’avoir toujours raison): hmm tu lis ça! On comprend mieux maintenant pourquoi tu réussis toujours à avoir le dernier mot. m
Inutile de vous exposer ici l’intégralité du débat qui s’engage à la suite de la découverte d'un tel livre de la part de mes visiteurs. Un débat qui ressemble davantage à une polémique si je me réfère à l’ampleur des dégâts qu’il risquait de causer si je ne faisais point preuve de sagesse en réorientant la conversation vers d’autres avenues avant qu’elle ne sombre dans des sentiers marécageux. m
Et pour cause. m
C’est que le fait d’avoir dans sa bibliothèque privée un livre d’un titre aussi tranchant – pour ne pas dire arrogant – pourrait créer un sentiment de provocation allant parfois jusqu’à l’intimidation aux yeux de certains esprits peu enclins aux rouages des débats d’idées et à ses multiples stratagèmes parfois fort complexes. Ce sentiment d’inconfort irait jusqu’à susciter chez ces derniers un malaise quand vient le moment de défendre leurs opinions ou – dans bien des cas – leurs propres intérêts. Vu sous cet angle, j’adhère amplement à leur septicité. m
Quel serait l’intérêt d’avoir dans sa bibliothèque un livre comme celui de Schopenhauer? m
Lorsqu’on me pose cette question, tout de suite me vient à l’esprit une anecdote que l’on rapporte de la communauté Jésuite chez qui j’ai appris, à un moment donné de ma jeunesse, l’art de l’argumentation telle qu’enseignée par l’éminent professeur juif Chaïm Perelman, philosophe et théoricien de droit belge. Il faut dire aussi qu’à cette époque j’étais en train de préparer un mémoire sur la part de la fiction et de l’argumentation dans les récits de presse relatant les grands événements survenus à l’échelle planétaire, sous la direction de mon professeur et ami de toujours l’incollable et le très dévoué M. Dakkach. C’est d’ailleurs grâce à cet homme doté de grandes qualités humaines et intellectuelles avec qui j’avais fondé le GRAM (groupe de recherche en recherche et action médiatique) que j’ai été initié au monde fabuleux de l’argumentation et de la communication. Qu’il trouve ici l’expression de mon éternelle gratitude. m
Revenons aux Jésuites. m
Selon cette anecdote, on raconte que lorsqu’on demande à un Jésuite: « Pourquoi à chaque fois où l’on vous pose une question vous répondez par une autre question, il répond: Pourquoi pas?! » Voilà une stratégie bien malicieuse qui ne manque pas de souligner l’esprit sardonique de son auteur. Et pourtant j’ai juste envie de m’en servir à mon tour afin de répondre – vraiment? – à la question de départ. Ce qui donnerait quelque chose du genre: m
Question « fallacieuse »: - Quel serait l’intérêt d’avoir dans sa bibliothèque un livre comme celui de Schopenhauer? m
Réponse « goguenarde »: - Quel serait l’intérêt de ne pas l’avoir dans sa bibliothèque? m
En effet, j’aurais pu ainsi me contenter d’esquiver la réponse en mettant un terme à la discussion autour du sujet du livre de Schopenhauer. Ainsi faisaient les Jésuites. Pourquoi ne le ferais-je pas? Or, le but premier ici étant d’engager la discussion et non de l’obstruer, il est de mon devoir d’apporter davantage d’éclairage à cette question sur le livre qui reste tout de même pertinente dans la mesure où elle me sert d’alibi pour engager la discussion autour de l’argumentation. m
m.c.
à suivre
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